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vendredi 26 octobre 2012

Aujourd'hui j'ai vu un homme.


Le parking rutilait sous le soleil enfin revenu. Les voitures sagement rangées attendaient toutes que le coffre s'ouvre afin d'y enfourner les courses.
Les miennes attendaient encore dans le caddie lorsqu'une silhouette furtive m'a parlé.
Sa bouche était prête à formuler quelque chose mais déjà, tout mon corps était  verrouillé, prêt à riposter. Un réflexe d'une fulgurance tonitruante. Je crois bien que mon cerveau était loin derrière, à la traîne.
Déjà, ma bouche s'était déjà ouverte, elle.
Elle avait  lâché : "Non, monsieur" tandis que mes mains s'emparaient des sacs de la semaine pour les transbahuter dans la bagnole.
L'homme a fait demi-tour en me souhaitant une bonne après-midi.
J'ai à peine entendu sa voix.
Un souffle.
A peine.
Mais mon regard avait plongé dans ses yeux. Alors que j'étais à moitié pliée dans mon coffre à caler l'eau le lait et la lessive, mon cerveau s'est connecté. Mon coeur aussi je crois bien. Il a battu tous les champs possibles, haletant la peine qui m'accablait, d'un bloc.
Le regard de cet homme était une blessure béante, bleue azur. Il a vrillé tous mes entrelacs pour ciseler le désespoir.
J' ai claqué la porte du coffre. Je me suis retournée.
Je l'ai cherché à l'aveugle, sacrément éblouie par  les reflets des carrosseries.
Je l'ai cherché entre les interstices, entre les portières closes.
Il était penché sur la petite poubelle attenante au portique des chariots.
Elle était pleine. Pleine d'emballages vides.
Son pantalon était lâche. Il ne galbait plus rien. Son corps semblait avoir disparu au profit de ses yeux.
Je me suis approchée, timide, silencieuse, furtive...
Gauche à mon tour je lui ai juste tendu quelques pommes.
Il les a prises, mises dans sa poche et nous nous sommes tous les deux retournés pour repartir, vite, vite chacun de notre côté. 

Peinture de Gilles Bernard

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